Je suis féministe…


Précision d’avant billet : je vais beaucoup parler d’hommes et de femmes. Oui, c’est très binaire tout ça, mais notre société est hélas profondément binaire et semble avoir beaucoup de mal à imaginer autre chose que ça.
Mon féminisme se veut la libération de tout le monde de ces boîtes et de ces cases trop excluantes et limitées qui empêchent bon nombre d’entre nous de pouvoir exister sans avoir à mentir ou à se cacher. Ma réflexion englobe donc les non-binaires et je continue de chercher à comment la rendre la plus inclusive possible.
Je tenais à le préciser.
De nombreux liens parsèment ce (long) billet, n’hésitez pas à cliquer dessus.

Je m’étais déjà intéressée au féminisme il y a une quinzaine d’années, quand la découverte de mon orientation sexuelle m’avait poussée à m’interroger sur les rôles genrés, le couple, la pression sociale, etc. Mais à l’époque, Internet n’était pas encore ce qu’il est aujourd’hui et j’avais rapidement manqué de ressources pour aller plus loin dans mes réflexions.
Il y a deux ans, le « débat » de la loi du mariage pour tous m’avait donné l’occasion de rencontrer des militants 2.0, de discuter, d’écouter (enfin, lire), et de pouvoir trouver de quoi approfondir et développer de nouvelles logiques de pensée. De même que le désormais célèbre article de Mar_Lard sur le sexisme dans le jeu vidéo. Bref, le panard.
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Enfin, le panard… Pas complètement non plus. Comme la pilule rouge de Matrix, la découverte et compréhension des schémas d’oppression des femmes par une société patriarcale bien installée n’est pas spécialement agréable. On se rend compte que, où qu’on regarde, les femmes s’en prennent plein la gueule. Du détail apparemment le plus insignifiant comme l’utilisation de tel mot – comme Mademoiselle, qui n’a pas d’équivalent masculin, et qui présuppose donc que la femme « n’appartient » encore à aucun mari – à l’agression la plus horrible – comme se prendre un tournevis en pleine tête parce qu’on a eu l’audace de ne pas répondre positivement à la « drague » d’un inconnu (qui drague donc avec sa caisse à outils, normal…) dans la rue -, tout semble fait pour que la moitié féminine de l’Humanité garde une place de seconde zone. Que ce soit en France ou dans le reste du monde. Même si les choses évoluent, même si les mentalités peuvent changer, tout cela prend beaucoup de temps et nombreux sont ceux, et souvent celles, qui pensent que suite aux victoires remportées par nos aïeules, il n’y a plus de combat à mener, que tout est conquis.
Or, les attaques répétées contre le droit à l’avortement par exemple sont à même de nous prouver que rien n’est acquis et que tout peut être remis en question sitôt la vigilance baissée. Comme l’aurait dit Simone de Beauvoir : « Mais n’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Et croire que ces différentes avancées, constamment menacées, ont été obtenues uniquement à la faveur d’une gentillesse des puissants, comme ça, par magie, c’est être naïf ou aveugle. Quand tout groupe dominé a obtenu une avancée de ses droits, c’est toujours à la suite d’un long combat, parfois violent, toujours intense. Les dominants ne font pas une faveur, ils ont été obligés de céder…
Croire que le temps permet de faire évoluer les mentalités et qu’il suffit d’attendre bien sagement pour obtenir quelque chose est souvent d’ailleurs un conseil prodigué… par le groupe dominant qui n’a simplement pas envie d’avoir à partager gentiment une part du gros gâteau qu’il s’est octroyé depuis des siècles. La solidarité, c’est toujours bon pour les autres, pas pour soi si on n’en bénéficie pas directement.

Pour la peine, je reprends un hachtag twitter lancé par un mag féminin pour qui le féminisme est cool quand ça l’arrange…
#JeSuisFéministeQuand un mag féminin tente de se donner bonne conscience tout en propageant les pires clichés sexistes depuis des années
Vous savez, la pipe ciment du couple : ben ouais, à la nana de faire des efforts sexuels pour que son mec daigne rester. Ça et la bouffe, bien sûr ! C’est pour ça qu’on va aussi lui filer des recettes de bons petits plats !
Toutes les pages régimes, pour que la femme comprenne bien qu’elle DOIT correspondre à des normes mensongères pour être acceptable (voire baisable).
Toutes ces pages beauté et mode pour correspondre à un modèle qui complexe terriblement les femmes.
Toutes ces pages sur les femmes qui doivent impérativement être des travailleuses impliquées, des mamans parfaites, des amantes torrides, des amies fidèles, des sportives déclarées, des modeuses au top, des cuisinières hors paire… quand on félicitera un homme parce qu’il a pris la peine de changer UNE couche à son gosse ou mis les assiettes dans le lave-vaisselle le 3 janvier 2014 à 19h52.
Bien évidemment, rien ne doit empêcher une femme (et même toute personne qui le souhaite) de bouquiner son Elle, son Biba ou son Grazia tranquille sans se prendre de remarque désobligeantes sur sa prétendue futilité. La lecture de GQ, Playboy ou FHM ne me semble pas spécialement hautement intellectuelle non plus et ça ne pose de problème à personne.
Mais que ces mag arrêtent de se la jouer championnes du féminisme quand ils ne proposent bien souvent qu’un féminisme bien lisse, propret, pas trop dérangeant, gentil, pas trop demandeur, bien blanc et qui sait rester à sa place quand besoin est.

#JeSuisFéministeQuand on nous sort une énième pub sexiste juste pour faire le buzz ! (Et qu’on nous dit qu’on a mal compris…)
Qu’on arrête de nous prendre pour des connes. Qu’on arrête de croire qu’utiliser des clichés éculés, c’est faire preuve d’avant-gardisme, de non politiquement correct, de subversion. Si on râle, c’est AUSSI parce qu’on en a marre d’avoir toujours droit aux mêmes petites phrases foireuses depuis des années. Même pas foutus d’être originaux…
Bon ou mauvais, les marques aiment le buzz et savent qu’en balançant une campagne de pub puante, elles vont faire parler (Au hasard… Rue du commerce ? Twingo ? Budweiser ?). Mais ne rien dire face à ça, c’est quelque part laisser un discours foireux continuer à se perpétuer. Alors râler, gueuler, dénoncer, c’est se réapproprier l’espace, montrer que tout ne peut plus être dit et qu’on ne doit plus laisser passer tout et n’importe quoi qui puisse encore et toujours conforter la culture de domination machiste. Et avec un peu de bol, les marques finiront par en avoir marre de passer pour des nases…
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#JeSuisFéministeQuand un mec balance une grosse vanne foireuse et qu’il tente de s’en sortir avec un « mais c’est de l’humour ! »
L’humour, ça demande un certain talent. Certes, on a déjà eu Jean Roucas ou Michel Leeb et la facilité pour mettre une vidéo sur le net aujourd’hui permet à n’importe qui de s’improviser humoriste sur Youtube. Le dieu de l’humour doit être super conciliant vu la quantité de merdes qu’il se prend sur la gueule depuis des années. Mais ce n’est pas une raison.
Non, mec, ta blague n’est pas drôle. C’est emmerdant pour une blague. Elle se moque d’un groupe dominé. Comme TOUJOURS. Vous pourriez faire des blagues sur les mecs blancs cis hétéro riches… Mais non, à chaque coup, ça tombe sur les nanas, les pauvres, les homo, les noirs, les juifs, etc. Tous ceux qui s’en prennent déjà régulièrement plein la gueule.
Et l’humour, ce n’est pas anodin. Ce n’est pas juste « faire rire ». C’est également transmettre une idée, un message. C’est banaliser un discours. Il y a un monde entre « rire des femmes » et « rire avec les femmes ». Si ta blague continue de colporter l’idée qu’un acte misogyne c’est rigolo, elle ne fait que grossir le flot de saloperies qui poussent au sexisme. Certes, t’as tué personne… mais t’as participé au mouvement qui légitime le sexisme et permet à certains de tuer des femmes par haine. T’as permis à un acte grave de devenir un sujet de plaisanterie sans te préoccuper des victimes.
Et qu’une meuf rit de ta blague ne veut rien dire. Elle peut faire du sexisme intériorisé, elle peut se forcer pour ne pas risquer d’être emmerdée, elle peut ne pas du tout être sensibilisée à la question du fait de son éducation dans une société sexiste… Bref, ça ne t’excuse de rien.
Donc, si, les féministes ont de l’humour. On est des êtres humains, hein. Juste qu’on ne souhaite pas rire n’importe comment.

Cas pratique : Le film Nos Femmes de Richard Berry. Le pitch ? Trois potes quinquagénaires (trois mecs blancs cis hétéro, parce que ça manque cruellement sur nos écrans !) qui aiment partir en vacances ensemble sans leurs épouses légitimes (entre couilles, quoi, parce que bon, c’est beau l’amitié virile à coups de bibine et de reluquage de jeunettes sans bobonne qui fait chier derrière, t’vois !). Mais oups, boulette, l’un d’eux tue « malencontreusement » sa femme en l’étranglant (ce qui est, avouons-le, la manière la plus évidente pour tuer quelqu’un par accident…). Ballot tout de même. Et demande à ses potes de l’aider parce que bon, il veut pas aller en prison, il ne le mérite pas, hein ! (Pas moi qui le dis, c’est dit texto dans la bande-annonce). Et accessoirement, il se tape la fille d’un de ses potes, qui là bizarrement trouve ça nettement plus inacceptable que le fait qu’il ait buté sa femme.
Petite note en passant : c’est un film COMIQUE ! Oui, oui, France, 2015, on trouve fendard de faire un film sur un mec qui bute sa femme. Un scénario très drôle qu’on trouve TOUS LES JOURS dans les pages Faits divers des journaux (avec écrit en gros « Drame passionnel » là où moi, je vois juste un bon gros meurtre haineux). Ça va être drôle dans les tribunaux quand la défense va plaider l’acquittement parce que « Mais monsieur le juge, vous n’avez pas vu le film ? Je suis Thierry Lhermitte, il était drôle, hein ? ».
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#JeSuisFéministeQuand les féministes râlent sur un truc et que les mecs expliquent que ça dessert leur cause…
Le nombre de mecs (et quelques filles aussi) qui nous l’ont servie, celle-là. On dessert la cause. Cause dont ils ne connaissent rien et dont ils n’ont absolument rien à foutre. Mais voilà, on ne fait pas ce qu’il faut. On ne milite pas comme on devrait. Eux, planqués dans leurs privilèges, savent. Ben ouais, hein, on est trop agressives, et ils aiment pas ça, les femmes agressives, puisque les femmes ça doit être gentil et tout doux ! Ça doit faire des gâteaux, des câlins et des bisous sur les bobos ! Eh ben non !!
Comme déjà dit plus haut, on n’obtient rien en ne gueulant pas un peu de temps à autre. Le droit de vote des femmes en 1945, on ne l’a pas obtenu en distribuant des fleurs et des cookies à la sortie du métro. Si on veut faire bouger les choses, ça doit un minimum ruer dans les brancards puisque justement, on veut CHANGER les choses. Si ce qu’on demande ne dérangeait personne, on l’aurait depuis belle lurette !
« Quand une féministe est accusée d’exagérer, c’est qu’elle est sur la bonne voie. » Et c’est Christine Delphy qui le dit.
Sans compter que la féministe en question en est peut-être à son 30ème lourdingue du jour qui vient lui expliquer la vie, avec toujours les mêmes affirmations stéréotypées, les mêmes certitudes assénées et jamais aucune question sincère pour en apprendre plus. Le nombre d’individus capables de débouler en 2mn sur un compte twitter en se prenant pour des spécialistes du féminisme alors qu’ils n’ont jamais rien lu sur le sujet, jamais échangé avec les concernées, se contentant des préjugés moisis que la société tient tout prêts à leur disposition est édifiant.
En fait, on fait juste trop de bruit et ça en dérange certains…

#JeSuisFéministeQuand une femme raconte une agression et que tous les mecs déboulent en mode « NotAllMen »… Un peu d’empathie, merde !
Typiquement, quand une femme va témoigner, son récit va être jugé. Scruté, analysé, détaillé. On ne va pas l’écouter, on ne va pas la consoler, on ne va pas la soutenir. Non. On va juger si elle n’aurait pas un peu mérité son sort. Et par la même déresponsabiliser son agresseur qui ne sera « qu’un cas isolé », « un connard », « juste une exception »… parce qu’ils ne sont pas tous comme ça, voyons ! Peut-être même que ce sera juste un dragueur incompris.
Parce que voyez-vous, se faire siffler, mettre une main au cul, se faire aborder et demander son numéro de téléphone sans ménagement et sans possibilité de dire non… c’est de la drague. De la séduction à la française. Que ces méchantes féministes veulent empêcher. Parce que c’est bien connu, le harcèlement de rue, ce n’est que le fait d’immigrés, d’étrangers. Le brave français blanc, lui, il drague. Vous ne voyez pas la différence ? Rassurez-vous, il n’y en a pas ! On est juste face à des hommes élevés dans l’idée que les femmes leur sont d’office redevables et doivent accepter leurs « gentillesses ». Et qu’elles doivent s’en sentir flattées. La foire aux bestiaux de la jupette (et du pantalon, et du jogging, etc., le type de fringue n’empêchant rien). C’est tellement courant de rencontrer l’amour de sa vie en se faisant siffler, pourtant !! (Euh, non, jamais…)
Et donc ces mecs déboulent en masse pour dire qu’il ne faut pas généraliser, qu’eux ne sont pas comme ça ! On les croit sur parole mais ça ne change rien au fait : une écrasante majorité de filles et de femmes a déjà été emmerdée dans un lieu public. Sans que personne ne lève le petit doigt. Dans l’indifférence totale des témoins.
Vous ne foutez pas de main au cul ? Super, mais on ne va pas vous féliciter, ça semble évident. Mais ne niez pas les témoignages, ne silenciez pas les victimes, ne minimisez pas les faits et interrogez-vous sur ce qu tout cela révèle. Vos blessures d’ego, on s’en fout…
inara01

#JeSuisFéministeQuand je m’habille comme je l’entends sans attendre la moindre validation d’un regard masculin
Je ne sors pas dans la rue pour participer à un concours de male gaze. Je m’habille comme je le souhaite, parce que je me sens bien comme ça. Est-ce que je mets tel vêtement pour plaire, pour séduire ? Vous n’avez pas à le décider à ma place. Vous n’avez pas à penser que tout n’est fait que pour vous. Que les femmes ne sortent que pour choper du bonhomme (en plus, c’est très hétérocentré, tout ça).
Jupe longue ou courte, baskets ou talons hauts, pantalon ou mini-short, débardeur ou tunique, etc. J’ai le droit de porter ce qui me chante sans avoir besoin de votre regard pour valider.
Et si une femme souhaite porter le voile, ça ne regarde qu’elle également. On fustige ces hommes qui obligeraient leur femme à porter le voile mais on se croit légitimes à obliger une femme à ne PAS le porter. C’est une même obligation, une même violence, qui dans les deux cas nie le droit de la femme à décider.
Non, la femme musulmane n’est pas plus idiote qu’une autre, elle est en droit de pouvoir choisir, en son âme et conscience, de la tenue qu’elle veut porter. Et ce n’est certainement pas à des personnes blanches athées ou catholiques de lui faire la morale et lui dire comment elle doit vivre sa potentielle foi. Qu’on en termine avec cette vision post-colonialiste d’apporter la culture et la civilisation aux peuples qu’on juge ignorants alors qu’ils sont juste différents. La question du voile, de son choix ou pas, je la laisse aux femmes musulmanes, elles sont plus à même que moi d’en parler.

Et les nombreuses femmes qui meurent toujours aujourd’hui sous les coups de leur compagnon sont là pour rappeler qu’avant de faire la chasse au sexisme dans d’autres cultures, on a déjà largement de quoi faire dans la nôtre. Ce n’est pas à moi, blanche française athée, d’aller décider comment doit vivre la femme afghane ou somalienne (et les dernières ingérences étrangères dans ces pays ont bien montré à quel point c’était hypocrite, voué à l’échec et jamais désintéressé).

Cas pratique : on a appris récemment qu’une collégienne a été renvoyée deux fois de son établissement de Charleville-Mézières. Pas parce qu’elle porte le voile, puisqu’elle l’enlève avant de rentrer au collège chaque matin. Mais parce que sa jupe est jugée trop longue par la principale qui y voit là « un signe ostentatoire d’appartenance religieuse ». Gageons que la même jupe, achetée chez Kiabi (grosse marque de vente de signes ostentatoires religieux, c’est bien connu), portée par une gentille blonde aux yeux bleus qui va toute les semaine au catéchisme n’aurait provoqué aucune réaction chez la principale (qui nous balance maintenant que ce n’est pas lié à la jupe mais au fait que l’adolescente aurait comploté avec ses petits camarades pour sa propagande… Mais bien sûr !). Un cas isolé me direz-vous ? Le CCIF dit s’occuper d’une centaine de cas de ce genre chaque année. De janvier 2014 à aujourd’hui, ils auraient ainsi géré 130 cas de « jupes trop longues ».
En décembre 2012, c’est une collégienne de banlieue parisienne qui a été exclue 3 mois des cours pour port d’une jupe trop longue et d’un bandeau. Exclure des filles des cours, c’est pour leur bien, c’est pour les libérer, vous comprenez !
Même que maintenant, on aimerait bien les empêcher d’aller à la fac, ces fameuses femmes voilées forcément brimées par le mâle ! Parce que c’est évident : un homme qui veut que sa femme lui soit soumise et porte le voile va évidemment la laisser étudier les sciences politiques ou médecine à la fac…
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#JeSuisFéministeQuand on me dit que je pourrais mettre une robe et me maquiller un peu… mais en quoi ça vous regarde ??
Une femme est femme parce qu’elle se ressent femme, se reconnaît dans ce terme. Point. Elle peut porter une jupe ou un baggy, un wonderbra ou rien du tout, passer 2h dans la salle de bain à se maquiller ou juste 5mn juste pour se laver les dents, faire dans l’épilation intégrale ou rester pote avec ses poils, avoir plein de tatouages ou de piercings ou rien du tout, etc. Elle n’a pas à répondre à tout un ensemble de standards auto-proclamés « féminins » pour mériter sa carte de membre. Elle n’a pas à être « bonnasse », à correspondre à vos critères pour avoir le droit d’exister. Et si ça vous pose un problème, c’est VOTRE problème, pas le sien.

#JeSuisFéministeQuand un homme entend définir à la place des femmes ce qui est sexiste (parce qu’il trouve ça marrant)
Le sexisme concerne les femmes. Parce qu’elles sont le groupe dominé par le groupe des hommes qui exerce donc le sexisme. C’est donc aux femmes, qui en sont toutes potentiellement victimes, de définir ce qui les opprime. Pas aux hommes. De la même manière qu’un blanc ne va pas dire à un noir ce qu’est le racisme ou un hétéro à un homo ce qu’est l’homophobie. Ce n’est pas à l’oppresseur de définir l’oppression.
Vous vous sentez exclus ? Oh, ça fait bizarre, hein ? C’est sûr, quand on est habitué à être pris pour le centre du monde, avoir l’impression de se faire confisquer le micro, c’est désagréable. On connaît, hein. Mais quand les femmes se plaignent de ne pas avoir leur place, vous leur dites qu’elles n’ont qu’à la prendre… et quand elles le font, vous vous plaignez qu’elles vous prennent de la place !
La principale chose à savoir en tant qu’allié.e dans une lutte contre une oppression, c’est qu’on doit prendre le temps d’écouter. Écouter les concerné.e.s, les laisser parler et en profiter pour apprendre. On a le droit d’avoir un avis, bien sûr, on a le droit de le donner… mais pas si c’est pour prendre la parole à un.e concerné.e. Connaître « intellectuellement » une oppression et la vivre au quotidien, ça n’a rien à voir et ça change tout.
À chaque fois que je vois un homme chouiner sur twitter qu’on est méchantes de l’exclure parce que lui aussi il est féministe : 1) il ne laisse jamais parler les femmes 2) il ne les écoute jamais quand elles prennent la parole malgré tout 3) il ne pose aucune question et ne cherche jamais à apprendre 4) il chouine, se plaint et finit par injurier ces « hystériques, idiotes, mal baisées, arrogantes, connasses, salopes » qui ont eu le toupet de lui dire « mais tais-toi un peu !! ».
On ne se décrète pas féministe. On le prouve par ses actes, ses mots, ses réflexions. Et on apprend à fermer sa gueule quand on ne fait pas partie des concerné.e.s.
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#JeSuisFéministeQuand je descends dans l’arène dès que j’entends parler de sexisme anti-hommes
Comme déjà dit, le sexisme ne concerne QUE les femmes. Un groupe dominant ne peut PAS subir une oppression, c’est un peu le principe !
Qu’un homme se fasse rabrouer en tant qu’homme est évidemment possible (et courant) mais peut-être devrait-il d’abord se demander pourquoi il s’est fait jeter. Il y a quand même une nette différence entre une femme injuriée par 30 mecs parce qu’elle a osé ne pas rire d’une blague sexiste et un mec qui se fait un peu remettre à sa place parce qu’il a sorti une horreur.
Et de la même manière que le racisme anti-blanc ou l’hétérophobie n’existent que dans l’esprit de ceux qui ne voient rien de leurs privilèges, le pseudo sexisme anti-hommes n’a jamais empêché aucun homme d’obtenir un travail, une augmentation, une promotion sous prétexte de bébés notamment, ne le pousse pas à ne pas trop boire à une soirée, à se méfier de toute personne inconnue qui s’approche, à avoir tout simplement peur de mourir à la moindre rencontre.
J’aime beaucoup cette phrase que je trouve particulièrement pertinente : “Men are afraid that women will laugh at them. Women are afraid that men will kill them.” Margaret Atwood
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#JeSuisFéministeQuand je m’emporte face au terme d’égalitariste plutôt que féministe
Les mots sont importants. Tout acte est né d’un mot, d’une idée. Les mots ont une signification, une histoire.
Vouloir remplacer « féministe » par « égalitariste », c’est nier le fait que ce soit les femmes qui soient les victimes du sexisme et de la société patriarcale dominée par les hommes. C’est nier toute l’histoire portée par des milliers de femmes au travers les âges pour permettre à leurs filles d’être un peu plus libres qu’elles. Bien évidemment que nous voulons l’égalité… mais sans renier tout ce qui nous a amenées là.
Féminisme, ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas aliénant, ce n’est pas excluant. C’est prendre les choses dans leur absolu mais également dans leur réalité concrète, mélange de réflexions purement intellectuelles et d’actes du quotidien, où chaque détail a son importance.
Je n’ai jamais vu aucun de ces valeureux égalitaristes se mobiliser sur le net contre le sexisme. On ne les voit que quand il s’agit d’envoyer bouler des féministes à coup de « oui je suis pour l’égalité, alors je suis égalitariste, le terme féministe est misandre »…
Un peu comme ces hommes qui, dès qu’on parle de viols ou de violences conjugales, nous balancent « ouais mais il y a aussi ds hommes violés/battus » alors que tout le reste du temps, ils n’en ont rien à secouer et sont les premiers à se moquer virilement de leurs si faibles congénères devenus victimes…

#JeSuisFéministeQuand j’explique pourquoi je n’ai rien à voir avec les Femen
Par leurs actions spectaculaires et grande gueule, les Femen ont attiré sur elles le focus et sont devenues l’emblème moderne du féminisme pour beaucoup de personnes non-renseignées. Or, les Femen utilisent des méthodes et suivent des idées dans lesquelles je ne me reconnais pas franchement voire pas du tout. Et je sais pertinemment que quand on traite une féministe de Femen, ce n’est pas un compliment, mais juste un moyen de décrédibiliser en ne voyant en elles que des femmes qui hurlent les nibards à l’air. Et il n’est pas rare que le terme « hystérie », bien sexiste à la base, leur soit associé.
Le féminisme n’est pas un bloc monolithique où tout le monde pense pareil. Loin de là. Il y a de nombreux courants, plus ou moins radicaux, chacun se concentrant sur certains aspects plutôt que d’autres. Le féminisme d’Emma Watson n’a rien à voir avec celui d’Elisabeth Badinter, de Virginie Despentes, d’Oser le Féminisme ou de Christine Delphy. Et c’est bien normal : blanches ou noires, catholiques ou musulmanes, riches ou pauvres, cis ou trans, hétéro, bi ou homo, etc. aucune femme ne vit le même quotidien que l’autre. Pourquoi le mouvement féministe serait-il donc unique, face à tant de paramètres différents selon le contexte ?
Au fil du temps sur twitter, à force de lire articles, livres, billets, j’ai défini mon propre féminisme, les combats qui me sont les plus chers (sans renier les autres pour autant), ceux dans lesquels je me reconnais et d’autres moins. Et c’est pareil pour toutes les féministes. C’est un mouvement hétéroclite, complexe, mouvant, en constante évolution. Et c’est justement ses multiples facettes, ses multiples visages qui sont sa force.
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#JeSuisFéministeQuand je refuse de me laisser enfermer « pour mon bien » dans une culture de peur de l’agression
« Il ne faut pas sortir seule tard le soir », « Attention à ta tenue », « Ne bois pas trop d’alcool », etc. Cette culture de la peur de l’agression, principalement sexuelle, nous la connaissons toutes. On l’a bien souvent intégrée dès notre enfance au point qu’on finisse par la trouver évidente. Résultat, l’espace public, déjà fortement masculin – vous connaissez « les couilles de cristal » ? – devient une zone quasi interdite, « pour notre bien », passée une certaine heure. Et plutôt que de s’attaquer au cœur du problème, c’est-à-dire à « Pourquoi les hommes agressent-ils les femmes ? », on dit aux femmes de se limiter et d’accepter cet état par fatalité. Le croque-mitaine n’existe pas que pour les enfants…
Et si elle se fait agresser ? On cherchera dans son témoignage quelle faute elle a pu commettre. Parce que de victime, elle va devenir responsable par sa tenue aguicheuse, son comportement ambigu, ses choix de fréquentations, etc. L’agresseur est au mieux un connard isolé, au pire un pauvre bougre qui a mal interprété des signaux (que lui a vu parce que la société lui a appris qu’il avait des privilèges…) voire un ennemi invisible dont on ne parle jamais. Parce que l’important, c’est ce qu’a pu faire la victime pour connaître ça. « Elle l’a cherché ? » « Elle a peut-être aimé ça, non ? » « Mais elle s’est débattu ou pas ? » « Elle a crié ? » « Elle lui a dit non au moins ? » « En même temps, elle attendait que ça, non ? » « Avec sa tronche, elle devrait se sentir heureuse ! » : le genre de phrases qu’une victime d’agression sexuelle ou de viol va fortement risquer de lire ou d’entendre. À moins qu’elle ait arraché la bite de son agresseur avec les dents, elle ne se sera pas assez débattu pour que ce soit acceptable… Et si elle l’a fait, elle risque de passer pour l’agresseuse…
Et vous savez le plus ironique ? Elle aura été agressée très certainement chez elle, par un proche. C’est le cas dans 80% des cas. Le mythe du psychopathe qui guette sa proie dans une ruelle sombre est tenace mais il ne représente pas le cas classique (même s’il est possible, bien sûr). Et le seul et unique responsable dans une agression, c’est l’agresseur. Personne d’autre. Ni les fringues, ni l’état éthylique, ni l’heure, ni l’endroit.

Le féminisme, c’est permettre à TOUTES les femmes, munies d’un vagin, d’une paire de nichons et d’ovaires OU NON, de vivre leur vie, de faire leurs choix, sans avoir à s’emmerder à suivre des règles mises en place par des hommes qui veulent réussir à garder leurs privilèges.
Ce n’est absolument pas de masculiniser les femmes, ce qui ne veut absolument rien dire. À moins que masculiniser signifie permettre aux femmes de faire preuve de traits de caractères glorieux et nobles toujours attribués aux hommes : force, courage, persévérance, sang-froid, raison, détermination, volonté (comment ne pas penser à l’exceptionnelle Stella Gibson dans The Fall ? Et à toutes ses répliques féministes ?).
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Qu’on en termine avec l’idée qu’un homme qui s’emporte en réunion est un guerrier qui défend ses idées là où une femme ne sera qu’une hystérique agressive.
On n’a aucunement l’intention de couper le pénis de qui que ce soit, ou de nous faire pousser une paire de couilles (et autre stupidité anatomique qui n’a rien à voir avec le genre). On ne souhaite aucunement prendre la place de dominant des hommes. Remplacer un dominant par un autre n’aurait aucun sens.
On souhaite simplement que chacun.e puisse évoluer et vivre selon ses choix, sans que son sexe ou son genre n’influe en rien et ne soit source de jugement de la part d’autrui. Si une femme veut être mère au foyer, ou ne pas avoir d’enfant, ou être pilote dans l’armée de l’air, ou Miss France, ou PDG d’un gros groupe du CAC40, ou joueuse de rugby, ou esthéticienne, elle doit pouvoir. Sans qu’on l’emmerde, qu’on questionne son choix. Et si un mec veut pouvoir porter une jupe, du maquillage ou devenir sage-femme, il doit pouvoir. Sans qu’on le juge, sans qu’on se moque. Et un.e non-binaire doit pouvoir vivre selon ses choix et ses ressentis sans qu’on l’oblige à choisir entre deux solutions qui ne lui conviennent pas. Que chacun puisse vivre sa vie, au delà de toutes les autres contraintes que notre environnement nous impose.
Ça ne détruira ni la société ni la civilisation, bien au contraire. Qu’on ne vienne pas me dire que la situation actuelle, entre crispations, haines, terreurs, meurtres, méfiance, est parfaite. Notre si précieux système clivant et élitiste s’épuise et s’effondre en emportant beaucoup de gens au passage. L’évolution de notre état d’esprit est une obligation pour la suite…

« Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu’un homme inquiet pour sa virilité. »
de Simone de Beauvoir
Extrait de Le Deuxième sexe
chat08

Au delà de ce texte personnel, je vous invite à découvrir quelques billets très intéressants :
– celui de Jaddo par exemple, sur la prise de conscience notamment féministe, qui parlera je pense à beaucoup
– celui d’Anne-Charlotte Husson sur la petite graine de militantisme qu’on peut tous semer pour faire changer les choses
– une note BD de Laetitia qui reprend cette idée de petite graine
– et tant qu’on est dans les blogs BD, celui de Julie Guillot vaut vraiment le coup d’œil également
– un ensemble d’articles très complets sur les mythes sur le viol.
– un article de lmsi sur le « on ne peut plus rien dire »…
– un article qui met en lumière le fameux « nice guy », le gentil mec qui pense mériter quelque chose parce que lui, il est gentil
– le site de Sophie Gourion sur le marketing genré
– un article sur la culture du viol
– un tumblr de veille féministe
– évidemment le site de Mrs Roots avec par exemple son article sur l’intersectionnalité
– le célèbre livre d’Irene Zeilinger sur l’autodéfense, Non c’est non, dispo en lecture gratuite ou en achat
– un site qui recueille et illustre des témoignages sur des violences sexistes
L’écho des sorcières, un webzine non-mixte avec de vrais morceaux de féminisme dedans

6 réflexions sur “Je suis féministe…

  1. Ça y est, j’ai le temps de venir commenter (la lecture a été super rapide car passionnante, mais commenter avec son téléphone, heu…).

    Sur le sujet du mademoiselle, j’étais comme Jaddo avant : je pensais que ce n’était qu’un mot. Je ne me suis rendu compte que plus tard (pendant mes études de langue, tiens) que les mots ne sont pas innocents et qu’ils véhiculent encore les idées de l’époque qui les a forgés. Et avec « mademoiselle », la jeune fille appartient bien déjà à quelqu’un, peut-être son prétendant, qui l’appelle « ma demoiselle ». Je suis allée fouiller un peu et si on donnait du « damoiseau », on ne donnait pas du « mondamoiseau ». Bref.

    Quand tu parles de combat — et je suis d’accord — je me demande pourquoi le combat féministe n’est pas plus radical ou violent encore. Sûrement que ce monde binaire se ferait une joie de crier à l’hystérie féminine. Et à l’inverse, un féminisme pacifiste est féminin, doux et maternel. Dur dur, de sortir du carcan.

    Pour ma part, je ne sais pas si je suis féministe car je ne fais rien de concret (action militante) si ce n’est d’essayer de démonter les clichés dans mon entourage très réduit. Il y a quelques années de cela, j’étais jeune et c**ne, je me proclamais féministe et ne comprenais absolument pas le petit rire étouffé qui s’ensuivait. Jamais je n’ai cru que ça pouvait être une insulte.

    Croire que le temps permet de faire évoluer les mentalités et qu’il suffit d’attendre bien sagement pour obtenir quelque chose est souvent d’ailleurs un conseil prodigué… par le groupe dominant qui n’a simplement pas envie d’avoir à partager gentiment une part du gros gâteau qu’il s’est octroyé depuis des siècles.
    Heureusement que tout le monde n’est pas comme ça. Loin de moi l’idée de défendre ces gentils messieurs blancs propres sur eux, mais je dois dire que mon compagnon ne pense pas du tout comme ça. On ne serait pas ensemble sinon hein, et ça me donne un peu d’espoir en l’humanité. Mais justement, même s’il est tout à fait convaincu que l’égalité est nécessaire, qu’il est effectivement gentil, blanc et propre sur lui, il a une théorie un peu froide que je trouve indémontable : quel intérêt les hommes ont-ils à s’aliéner plus de la moitié de la population ? Pourquoi ne pas vivre côte à côte plutôt que face-à-face ? Exit les sentiments, aucune pitié ou quoi, c’est juste du pragmatisme, de la logique, du bon sens, quoi.

    Pour ce qui est des magazines féminins, j’ai voulu en lire en pensant rire un bon coup. J’ai cru que j’allais pleurer. Quant aux magazines pour hommes, ils me semblent plus monolithiques et ne tourner qu’autour du sexe et des femmes bien roulées. Ils me semblent moins intrusifs car ils ne régentent pas tous les aspects de la vie des hommes. Quoique le dernier magazine que j’ai ouvert car la couverture me plaisait bien (dont le slogan m’a informée que je n’étais pas le lecteur ciblé), The Good Life je crois, présentait une collection impressionnante de symboles de réussite sociale et professionnelle. Au secours. (

    Pour les pubs foireuses qui font le buzz, volontairement ou non, je ne suis pas convaincue de la méthode « râler et dénoncer », je me demande si celle-ci fait vraiment effet. Mais tout à fait d’accord qu’il n’y a pas grand-chose de mieux. Je trouve les campagnes renversant les rôles homme/femme bien plus accrocheuses et pertinentes car on met vraiment l’homme devant les faits.

    Au final, les cas avérés de sexisme ne sont pas les plus difficiles à déterminer. En revanche, tu parles des hommes qui « laissent » « leurs » femmes faire des études prestigieuses, j’en connais dont c’est effectivement le cas, mais pour ensuite rester à la maison, parce que bon, faut pas déconner. Et pour ma petite vie à moi, j’ai des parents féministes à leur manière : pas de modèle genré, aucune limite aux études, et comme je suis fille unique, je suis même « leur fils et leur fille ». Mais malgré tout, je n’ai jamais eu la permission de minuit (ni même de 23h) quand je vivais sous leur toit, et aujourd’hui encore, j’ai droit à « fais attention quand tu sors ». Parce que « si tu avais été un garçon, on ne t’embêterait pas comme ça à ce sujet, c’est pour toi. » Ces cas entre deux eaux sont assez casse-tête et subjectifs. Comment faire évoluer les mentalités à ce sujet tant que ce sera la loi du plus fort ?

    De même, les quelques rares fois où un homme a tenté une approche (car je n’appelle pas « approche » quelqu’un qui demande combien coûte la nuit… et qui n’a pas absolument pas capté quand je lui ai retourné la question), ça s’est limité à « charmante », « numéro de téléphone » et « bonne journée » quand j’ai dit non. Mais je ne me suis sentie ni chanceuse ni agressée. Ça m’a semblé être une situation normale, telle qu’elle devrait être. Sauf que les tensions sont si fortes en ce moment que si je racontais ça sur… allez, au pif, Twitter, je serais accusée de contribuer au sexisme, on ferait des procès d’intention à ces hommes, et ainsi de suite. Donc non, nul besoin de tapoter sur la tête ceux qui se comportent normalement, mais plutôt de réapprendre à vivre ensemble.

    Qu’on en termine avec l’idée qu’un homme qui s’emporte en réunion est un guerrier qui défend ses idées là où une femme ne sera qu’une hystérique agressive.
    La loi du plus fort, toujours. Le guerrier qui va combattre est classe, la guerrière va aller tirer des cheveux.

    Et pour terminer cet interminable commentaire, évoluer, oui, mais comment ?
    On ne peut pas imposer une mentalité à quelqu’un et le fait de démonter des clichés ne suffit pas car il y aura toujours des gens assez cons pour s’enfermer dans leurs idées… Personnellement, je ne vois que la loi.

    PS HS : mais que s’est-il passé ce 3 janvier 2014 à 19h52 ? 🙂

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    • Merci pour ton impressionnant commentaire 🙂
      Le combat féministe est un combat de mentalités, il ne sera donc pas sur le même plan et devra jouer sur plusieurs terrains, plus complexes, pas forcément visibles. C’est un combat sur la longueur, même s’il peut avoir des actions assez radicales parfois. La question des moyens d’y participer est de toute façon assez centrale. Tu as lu le billet d’Anne-Charlotte Husson que j’ai mis en lien à la fin ? Je trouve qu’il éclaire bien sur le rôle qu’on peut avoir, même sans être du genre à militer en assoce (chose que je me sens assez incapable de faire perso, sans compter qu’il faut avoir une assoce dans son coin…).

      Pour Mr Shermane, je pense qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Et c’est tant mieux. Mais en tant qu’homme, il a d’office accès à des privilèges, qu’il le veuille ou non. Il a des facilités (a priori) dans un monde qui avantage le masculin. À voir ensuite ce qu’il en fait. Même si je pense que le principal combat féministe doit être conduit par les femmes, les hommes ont bien évidemment un rôle à jouer mais pas le même. J’adore toujours ces valeureux hommes féministes qui pensent que leur seul boulot, c’est de nous dire comment on devrait faire et de commenter nos méthodes. Euh non, mec, si tu veux agir, tu as sans doute de quoi faire avec tes congénères. Déconstruire la virilité (voire la détruire), s’interroger sur la place du masculin dans la sphère publique et privée, accepter d’écouter, réagir face aux comportements des potes et leurs blagues sexistes, etc. Il y a tout un boulot à faire du côté des hommes et seuls eux pourront le faire. S’ils ne perdent pas de temps à nous dire comment mener notre combat côté féminin.
      Bien évidemment, ils y perdront des choses… mais en gagneront d’autres, notamment à ne plus devoir cadrer avec un modèle masculin réducteur, archaïque et qui a déjà foutu notre monde dans la merde, à coups de compétitions et de guerres de hiérarchies. Mais ça demande une remise en question en profondeur de tous nos codes, de nos mentalités, de notre vision de la réussite, du bien-être, des rapports, humains. Le chantier est énorme…

      Les magazines féminins et masculins ne font que répondre aux clichés de genre : les nanas aiment la frivolité, les fringues, le maquillage et causer princes charmants et poupons, les mecs aiment les grosses bagnoles, les nichons et les culs à mater, tout en se la pétant. Dans le genre réducteur, ça se pose là.

      Effectivement, certains poussent leurs filles à faire des études mais qui ne serviront à rien. Le côté « je me la pète », la fille-trophée ? Ou l’idée qu’elle y trouvera un mari à son niveau ? Je ne sais pas trop…
      De ton côté, est-ce que ce ne serait pas lié aux origines de ta famille également ? Selon les pays et les cultures, le patriarcat a plusieurs visages qui s’adaptent… C’est ce qui le rend parfois difficile à détecter.

      Et dans l’exemple que tu donnes d’un homme qui t’aborde, je ne vois effectivement là pas forcément un harcèlement. Qu’un homme trouve une fille intéressante et lui propose d’aller boire un verre, aucun problème du moment qu’il accepte la réponse sans sourciller. C’est bien pour ça que les féministes ne sont pas précisément contre la drague ou la séduction. Le souci qu’on pointe, c’est quand le mec en question ne veut pas entendre le « non » et continue d’insister jusqu’à l’insulte.
      Et puis on a toutes et tous nos attentes, nos limites, nos peurs donc à partir du moment où il y a écoute réciproque et respect de l’autre, pas de raison que ça se passe mal.

      Mais voilà, notre société valorise le rapport de force là où c’est la coopération et l’entraide qui devraient être appréciées. Je m’intéresse aussi bien au féminisme qu’à l’écologie et au final, tout cela est lié…

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      • « Même si je pense que le principal combat féministe doit être conduit par les femmes, les hommes ont bien évidemment un rôle à jouer mais pas le même. J’adore toujours ces valeureux hommes féministes qui pensent que leur seul boulot, c’est de nous dire comment on devrait faire et de commenter nos méthodes. Euh non, mec, si tu veux agir, tu as sans doute de quoi faire avec tes congénères. Déconstruire la virilité (voire la détruire), s’interroger sur la place du masculin dans la sphère publique et privée, accepter d’écouter, réagir face aux comportements des potes et leurs blagues sexistes, etc. Il y a tout un boulot à faire du côté des hommes et seuls eux pourront le faire. S’ils ne perdent pas de temps à nous dire comment mener notre combat côté féminin. »

        Je suis particulièrement d’accord avec ça (et avec le reste aussi).

        Il y a un truc que j’ai particulièrement du mal à comprendre, au-delà des attitudes sexistes assez généralisées des hommes, c’est l’attitude sexiste des hommes même s’ils sont pères d’une ou plusieurs filles.
        Comment peut-on participer à la perpétuation du modèle en place et envoyer ses enfants croupir dans une société profondément sexiste ? Je ne comprends pas. Perso, j’ai deux filles et j’ai pas envie de ce monde-là pour elles.
        Mais ça montre à quel point ce modèle est profondément intériorisé et dès lors difficile à ébranler puisqu’il apparait aux yeux d’une très grande majorité comme allant de soi.
        Questionner les choses « allant de soi », lutter contre elles, c’est je pense la tâche de toutes les personnes qui se trouvent du côté des dominants.
        Ils ne peuvent le faire qu’en déconstruisant les comportements et les attitudes que la société les a amené à intérioriser et dans lesquels ils se sentent bien parce qu’ils y occupent la place privilégiée.
        Tu as raison, c’est notre part du boulot.

        Fred

        PS : pour le coup du « pour une fille, c’est dangereux » (sorties, voyages ou autres), c’est pas évident.
        En tant que parent, on ne peut pas s’empêcher d’être inquiet pour ses enfants. Ca fait partie du contrat : quand tu décides de faire un gosse, tu sais que tu te condamnes à l’inquiétude pour le reste de ta vie. C’est comme ça. Et comme tu sais que tes enfants vivent dans une société profondément sexiste, ça te donne un motif d’inquiétude supplémentaire si tu es parent d’une fille. C’est pas évident de passer outre, d’autant plus dans le climat anxiogène dans lequel on baigne..

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  2. Je n’ai pas grand chose d’intéressant à dire après tout cela, mais je voulais quand même te laisser un commentaire (au moins pour te dire que je te lis ^^; ).

    Le coup du temps qui fera les choses, je l’ai entendu maintes fois, et par mon propre Mr d’ailleurs. Donc oui, je dois vivre avec ça, le même « pragmatisme », le même « bon sens ». Malgré tout, je supporte mais ça m’est bien souvent difficile parce que non, je ne suis pas d’accord avec ça. Rien que l’avortement, et en temps de crise, ce sont les femmes qui perdront leurs droits en premier.

    Je ne me posais pas non plus la question du mademoiselle quand j’étais plus jeune, mais je ne trouvais pas spécialement le combat ridicule. Dans le billet de Jaddo, j’ai trouvé un commentaire qui m’a beaucoup parlé. Car comme cette personne, je faisais à mon échelle: j’ai tout fait comme un garçon (et encore aujourd’hui, un peu), que ce soit les vêtements, les études, mes goûts, m’interdisant souvent la frivolité (pour ce qui est des magazines féminins, j’ai toujours eu l’impression, même très jeune, qu’on nous prenait quand même pour des c….) et rigolant un peu des nanas qui suivaient la mode au lycée. Seulement, j’ai fini par comprendre qu’à l’échelle individuelle, ça ne change pas grand chose. Et c’est quelque chose de dur à se prendre dans la figure au final.

    Le coup de « pour une fille c’est dangereux », shermane, je le vis même encore aujourd’hui ^^ . C’est Christine Delphy qui dit dans le docu « Je suis féministe, mais… » que si elle avait eu un frère et non une sœur, son destin aurait sûrement été très différent car la fierté des parents se serait plutôt attardée sur le fils et non la fille. Il y a sans doute du vrai. Mes parents aussi ont compté sur mes études (plus que mon frère), et ma mère m’a toujours poussé à ne pas « dépendre d’un homme » comme elle dit. Mais ça n’empêche pas que si j’avais été un garçon, j’aurais eu plus de liberté: m’asseoir comme je veux, pas de critiques sur ma non féminité, sortir quand je veux, aller en voyage seule. Malgré mon âge, le mot « fille » et « seule », ça continue encore à être bien ancré. Quant à la rue et les transports, je m’estime chanceuse.

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  3. Bon, j’avais oublié (je ne sais pas si tu peux fusionner les commentaires >_<) mais je pense effectivement que la culture des parents peut jouer pour les études. Car filles comme garçons doivent en faire, et je le vois dans les gens que mes parents connaissent, leurs enfants filles comme garçons ont bien réussi, je pense qu'il n'y a pas de "sélection" à ce niveau dans mes origines. Du temps de mon grand-père déjà (à Hong Kong), ma mère disait qu'il trouvait les études importantes mais que ceux ou celles qui veulent en feront, filles ou garçons.

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  4. Morgan > non, je n’ai pas encore lu le billet de Husson, je vais le faire. Je suis plutôt allée voir le récap’ des différents mouvements féministes, qui m’a été très utile, merci pour le lien.
    C’est particulièrement vicieux de la part des anti de dénoncer les disputes et les schismes dans ces mouvements, sous prétexte qu’ils concernent les femmes : les mouvements politiques sont bien connus pour leur pacifisme…

    Ce qu’un homme peut faire aussi ? Arrêter avec la sacro-sainte « virilité » >_ j’entends bien qu’en tant que parents, on s’inquiète tout le temps, à 20 comme à 80 ans. Mais ça n’aide pas de marteler sans cesse « si tu n’étais pas une fille ». Et concrètement, la plus grande crainte, c’est le viol. Car se faire violer, ce n’est pas pareil que de se prendre une « simple » pêche quand on est un garçon. Mais ce serait bien qu’on arrête de croire que la vie de certaines femmes s’arrête après qu’elles ont été violées. C’est horrible, injuste, tout ce qu’on veut, mais la vie peut continuer après ça, elles peuvent toujours marcher la tête haute.

    A-yin > je sais plus si on a eu l’occasion de parler de ça 🙂 mais je trouve dommage qu’une fille doive faire « comme les garçons » pour être plus légitime. Qu’une fille ou qu’un mec lisant Biba soit automatiquement taxée de cruche ou de… fille. Cette barrière « truc de filles » et « truc de mecs » est vraiment fatigante. Si elle n’existait pas, on ne reprocherait pas aux femmes de s’asseoir en écartant les jambes, les hommes n’auraient pas ce besoin de les écarter encore plus (pour aérer, soi disant), et ce ne serait pas une « chance » de ne pas se faire emmerder dans la rue, ce serait juste normal. Je te pensais mieux lotie que moi pour ce qui est de voyager seule 😦

    Et sinon, c’est intéressant, la question des cultures. Quand j’étais ado, je ressemblais pas mal à un garçon (ça m’arrive encore quand j’ai les cheveux qui viennent d’être coupés), j’en pleurais (l’insulte quoi :D) mais ma mère n’a pas essayé de me féminiser. Elle me disait que de toute façon, les robes ne m’allaient pas en général, car j’étais mince et anguleuse. Difficile à le croire aujourd’hui, je sais xD

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